La Géode

L’explication de texte qui suit est celle d’un poème en prose qui se trouve aux pages 158-159 du premier tome du Signe du Fils de l’homme. Ce chant est la mise en musique de ce que j’appelle une “imagerie” (i.e. une sorte de parabole) publiée le 20 janvier 2005 sur le site du Ciel, un blog que j’ai alimenté de 2001 à 2009 avant de rassembler et transférer ses pages adressées à de potentiels élus “les petits enfants”, comme dit Jean dans un vrai livre papier paru à la Toussaint 2010. Je présente Le Signe du Fils de l’homme comme un roman épistolaire initiatique, mais il est au fond un baptême au Karcher. Pour tout dire, l’Esprit n’est pas une poubelle, et il faut le vider/nettoyer/purifier de toutes les idées fausses que les faux prophètes y ont mises ; on cesse alors d’halluciner et on revient à la Réalité.

Dans le livre imprimé, le texte qui est ici chanté comporte d’abord une partie en italique, puis un paragraphe en caractères romains qui explique la symbolique de la partie précédente. Voici quelques explications (quand cela s’avère nécessaire)…

[1] Imaginez un espace infini, baigné de lumière. Quelque part au milieu de cette immensité flotte une géode complètement close, où la clarté extérieure ne pénètre jamais.

Cette présentation est dite comme à travers un porte-voix.

[2] Plongée dans une obscurité totale, sa face interne est un miroir sphérique parfait qui renvoie aux habitants de ce monde aveugle tout ce qu’ils projettent. Quand ils lancent leur désir au loin ou quand ils prient, des yeux s’allument dans les cieux, et des dieux narquois les regardent. Quand ils émettent l’idée que l’un de ces phosphènes illusoires est une boule de feu tournant autour de leur monde plat, celui-ci plie et se fait globe, et corollaire de cette géométrie nouvelle, l’empyrée explose en une infinitude vertigineuse ponctuée de brasiers stellaires, stellaires, stellaires…

Après la Chute, la terre est vue comme étant plate, mais les idées fausses évoluent et de savants chercheurs imposent petit à petit leur cosmogonie aux gobe-mouches : la terre devient alors ronde pour tous, et l’espace s’emplit de toutes sortes d’objets pas toujours identifiés car l’imagination la folle du logis est une créatrice prolifique. En réalité, comme le dit Houei-neng : Foncièrement rien n'existe 1️⃣, car le Laṅkāvatārasūtra dont il est l’un des héritiers précise : Tous les mondes ne sont que des constructions de l’esprit. / Erreur que de percevoir des objets extérieurs ! Il n’y a pas d’objets mais seulement de l’esprit. / Ce qui est perçu, c’est seulement votre esprit. Il n’existe aucun objet qui lui soit extérieur. Méditez ainsi et l’erreur vous quittera. / Bref : Ce genre de puissant attachement présente une infinité d’aspects qui se ramènent tous à l’attachement que les sots éprouvent pour les idées qu’ils inventent. Ils se font de ces idées comme le ver à soie tisse son cocon : le fil de leurs idées fausses les retient prisonniers, eux-mêmes et les autres. 2️⃣ C’est le principe même de la Géode.

[3] Des images de mondes disparus et de catastrophes cosmiques immémoriales remontent de l’abîme, portées sur des rais de lumière froide, et ces roseaux pensants se voient comme plantés sur une terre vagabonde dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Quand leur regard essaie de se porter au-delà des limites connues, l’impression de profondeur produite par le miroir obscur s’accentue, et leur univers, pourtant borné, paraît s’enfler à l’infini.

Sans commentaire.

[4] Dans le même temps, la planète qu’ils s’imaginent habiter fait un bond en arrière, rapetisse et part comme une toupie voltiger sur le relief velouté d’un espace piqueté de trous noirs ! Pris dans un feed-back incontrôlé, l’esprit s’emballe et hurle n’importe quoi sous la voûte invisible qui s’emplit d’échos contradictoires, contradictoires…

Sans commentaire.

[5] Petits enfants, la pensée tourne aujourd’hui dans une boucle où il est difficile d’intervenir et de se faire entendre. Cet anneau multidimensionnel où les chemins les plus rectilignes tournent en rond et où seules les traces de l’Homme se multiplient, c’est “le Monde”. Le miroir refermé sur lui-même, c’est l’esprit malade de l’idolâtrie l’esprit impur qui, comme une chambre d’écho, réfléchit les idées et fait croire à celui qui les émet… qu’il raisonne ! Quant à l’immensité lumineuse et hors d’atteinte dont je vous parlais au début, c’est la Réalité.

Dans mon roman, ce paragraphe moins “poétique” n’est plus en italique car il explicite la symbolique de la Géode. “Petits enfants” est une expression que j’utilise souvent dans le Signe, à partir de la page 113 et la citation de 1 Jean 5, 21 : Petits enfants, gardez-vous des idoles. L’idolâtrie, objet du premier des Dix commandements, est au cœur de l’Ancien Testament ; je lui associe “l’esprit impur” expression néotestamentaire. Pour en savoir plus, se reporter par exemple au chapitre éponyme sur le site de Zorobabel Guru.

Pour revenir à la Réalité, les hallucinés doivent sortir de la Géode par la porte étroite percée dans le mur des idées fausses qu’ils ont reçues au cours de leur éducation et qui sont entretenues sans discontinuer par les médias de la Femme assise sur la Bête, la grande Prostituée, la grande citée qui a la royauté sur les rois de la terre (Apocalypse 17) ; cette symbolique désigne la civilisation apostate qui règne aujourd’hui sur toute la terre. Mais sortir de la Géode pour entrer dans la Réalité n’est pas une mince affaire, comme l’indique cette réponse que Jésus fit à quelqu’un qui lui demandait si les sauvés seraient peu nombreux : Luttez pour entrer par la porte étroite, parce que beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et n’en seront pas capables. (Luc 13, 23)

Ceux qui trouvent que la vie est belle peuvent se demander en quoi ce salut dont il est question depuis des siècles les concerne. La vérité, c’est qu’au cours de la troisième guerre mondiale qui a déjà commencé, toutes les bombes thermonucléaires accumulées dans la Géode finiront par exploser en même temps, grillant tout ce qui s’y trouve. Si vous avez bien suivi ce qui précède, vous comprendrez ce qu’il va en résulter : l’univers entier va disparaître en même temps que l’humanité. Dans Le Signe du Fils de l’homme, la phrase qui suit immédiatement le texte de La Géode est la suivante : Le Monde, totalement isolé du Réel, approche de la crise d’épilepsie cosmique qui va le foudroyer. Elle est reprise au début de Ecce Homo.

NOTES

1️⃣ Les Entretiens de Lin-tsi, en note page 117 (Collection Documents Spirituels, Fayard 1972).

2️⃣ Les références de ces citations du Soûtra de l’Entrée à Lankâ (Collection Trésors du bouddhisme, Fayard 2006) sont à retrouver aux pages 104-106 du tome 2 du Signe du Fils de l’homme intitulé : Ouverture du 7e sceau.